Haren - Patrimoine

L’église Sainte-Élisabeth, le domaine du Castrum ainsi que certains anciens corps de ferme ayant été absorbés dans le paysage des rues sont des témoignages précieux du Haren rural.

La paroisse de Sainte-Élisabeth est mentionnée pour la première fois en 1241, mais le clocher de l’église repose sur des fondations bien plus anciennes, probablement du 12e siècle.

Dès le 14e siècle, l’ancienne ferme fortifiée du Castrum , située à l’actuelle rue du Pré aux Oies, passe aux mains de différentes grandes familles, dont les de Hertoghe. Au 16e siècle, la propriété est acquise par la famille van der Noot et dépend du château de Cortenbach, avant que l’ensemble ne soit intégré dans le domaine du château Ter Elst. Au coin des rues de Verdun et du Donjon, on trouve encore d’anciens bâtiments qui servaient autrefois de fermes. Les édifices les plus anciens de Haren sont facilement reconnaissables à leur pierre calcaire gréseuse du type bruxellien, qui était extraite localement comme matériau de construction.

E. Vandeven, Cheval tirant des traverses de chemin de fer créosotées, 20e siècle © Collection privée

Les anciennes usines du Haren industriel ont quasiment disparu, à l’exception du site de Fobrux (Fonderies bruxelloises) et de la fabrique de créosote de la SA l’Imprégnation des Bois qui est devenue CCB (Chantier de Créosotage de Bruxelles). De nombreuses nouvelles entreprises se sont certes installées dans la zone, mais les anciens halls industriels ont été démolis ou sont à l’état d’abandon.

E. Vandeven, Cheval tirant des traverses de chemin de fer créosotées, 20e siècle © Collection privée

Place du village de Haren, 20e siècle © Collection privée

Ici et là, on peut encore apercevoir des habitations et des fermes typiques construites en briques au tournant des 19e et 20e siècles, qui présentent des façades peintes ou enduites. Les plus grandes maisons ont généralement deux étages et disposent d’une porte cochère qui donnait accès aux écuries et aux hangars situés à l’arrière ainsi qu’à un « kot à chicons » (witloofkot) où ces légumes étaient nettoyés avant d’ être vendus et consommés. Rien de surprenant quand on sait que Haren était mondialement connu pour ses délicieux chicons (aussi connus sous le nom d’endives, chicorées de Bruxelles ou witloof) qui y étaient cultivés.

Place du village de Haren, 20e siècle © Collection privée

Culture du chicon au Harenberg, début 20e siècle © Vlaamse Gemeenschapcommissie, Erfgoedcel Brussel

Les chicons résultent du forçage de la racine de chicorée. Leur culture se faisait en hiver et n’était pas facile. Il fallait d’abord récolter les racines ayant poussé en pleine terre avant de les faire sécher et de les étaler en couches à l’abri de la lumière de façon à réactiver leur croissance et à recueillir finalement leurs pousses blanches. Une température constante de 21 degrés devait être maintenue, car ceci était déterminant pour le goût. La qualité du sol était également cruciale : l’idéal n’était pas d’avoir du sable pur ou du limon pur, mais bien un mélange de limon sableux.

La région belge des limons sableux est vaste, dépassant de loin la seule zone de Haren. Il doit donc y avoir une autre explication au typique goût légèrement sucré des chicons de Haren. Haren est situé dans la vallée de la Senne. En raison de sa situation sur un flanc de colline, on trouve du lœss dans son sol, un sédiment d’argile sableuse déposé pendant la dernière période glaciaire. Par ailleurs, l’emplacement de Haren juste sur la ligne de partage des eaux entre les vallées de la Senne et de la Woluwe a pour conséquence un sous-sol riche en eau ainsi que la présence de nombreuses sources et ruisseaux (dont certains ont disparu) : le Harenberg, le Steenbeek, le Nieuwengracht, le Hollebeek et le Leybeek. Ce doit être cette combinaison unique de sable, de limon, de lœss et d’eau qui a transformé les chicons de Haren en « or blanc ».

L’exportation se faisait sur la base de deux circuits, un court et un long.

Après avoir soigneusement nettoyé et emballé les chicons, les agriculteurs se rendaient au marché matinal sur la Grand-Place de Bruxelles. Ils étaient autorisés à s’y rendre sur le coup de quatre heures du matin. En attendant, ils devaient attendre en silence dans les rues environnantes. Ils étaient souvent debout déjà à deux heures du matin de façon à avoir le temps de prendre leur petit-déjeuner, de nourrir leur cheval, de l’atteler et de faire le trajet vers le centre-ville. Ils vendaient alors leurs produits au début de la journée aux restaurateurs, aux domestiques des grandes maisons ainsi qu’aux gens ordinaires.

Culture du chicon au Harenberg, début 20e siècle © Vlaamse Gemeenschapcommissie, Erfgoedcel Brussel

Le deuxième circuit était plus long. À partir de l’entre-deux-guerres, des marchands spécialisés sont apparus. Ils faisaient le tour des fermes de Haren en recherchant le meilleur rapport qualité-prix. Les agriculteurs indiquaient sur une fenêtre quel nombre de couches de chicons seraient disponibles à quelle date, ou bien ils l’inscrivaient sur un tableau du café Ons Huis.  Les marchands savaient alors où et quand ils pouvaient s’arrêter. Sur place, ils décidaient s’ils étaient intéressés à participer à la vente aux enchères et où ils enverraient la production. Le chicon ordinaire était écoulé sur les marchés et chez les épiciers belges. Le « chicon spécial » était destiné à l’étranger, principalement aux Pays-Bas, à la Suisse, à la France ainsi que, après la Seconde Guerre mondiale, à l’Amérique.

Seuls les plus beaux exemplaires étaient éligibles pour cette dernière destination car ils devaient endurer des semaines de voyage en bateau. Lorsque le marché était conclu sur le terrain, le marchand pouvait envoyer des laveurs et des emballeurs, à moins que le fermier ne s’occupe lui-même de cette tâche (ce qui lui rapportait alors davantage).

Aujourd’hui, le chicon est toujours cultivé à Haren, mais à une échelle beaucoup plus réduite et principalement par des jardiniers amateurs. Mais on peut encore trouver un peu partout les traces des jours anciens. Il est facile de découvrir où vivait autrefois un cultivateur de chicon : dans une maison avec, à gauche ou à droite de la porte d’entrée, un grand portail. C’est par là que le chariot du fermier pouvait accéder au fameux « kot à chicons ».

GC De Linde

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